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Comment éviter les perturbations de la faune lors d'un reportage photo en hiver

Comment éviter les perturbations de la faune lors d'un reportage photo en hiver

L'hiver transforme la forêt en une scène calme et immaculée, où chaque souffle de vent et chaque empreinte dans la neige raconte une histoire. C'est aussi la saison où la faune est la plus vulnérable : énergie limitée, nourriture rare, comportement modifié par le froid. Lorsque je pars en reportage photo à cette période, mon objectif principal n'est pas seulement de rapporter de belles images, mais de le faire sans perturber ni mettre en danger les animaux que je croise. Voici mes réflexions et mes conseils pratiques, fondés sur des années de sorties en montagne et en vallée, pour minimiser les perturbations durant un reportage photo hivernal.

Comprendre le comportement hivernal des animaux

Avant toute sortie, j'essaie de m'informer sur les espèces que je peux rencontrer et sur leur comportement en hiver. Les modifications sont nombreuses : périodes de repos plus longues, territoires réduits, habitudes de déplacement conditionnées par la neige et l'accès à la nourriture. Les cervidés (chevreuils, cerfs) dépensent beaucoup d'énergie à se déplacer dans la neige, les mustélidés deviennent plus secrets, et certaines espèces peuvent rester dans des abris pendant plusieurs jours si les conditions sont extrêmes.

Connaître ces éléments m'aide à anticiper leurs réactions et à choisir des stratégies d'approche adaptées pour ne pas provoquer de fuite inutile. Un animal stressé consomme des réserves précieuses et peut perdre des chances de survie en période froide.

Planifier le reportage pour réduire les impacts

La planification est la clé. Je consulte les prévisions météo, les horaires de lever et coucher du soleil, et quand c'est possible, les rapports de terrain d'associations naturalistes locales. J'évite les périodes de grand froid extrême ou de tempête où les animaux sont déjà sous forte contrainte.

  • Choisir les bons créneaux : lever du jour et tombée de la nuit sont souvent les meilleurs moments pour observer la faune, mais aussi les plus sensibles. Je privilégie des sessions plus longues et discrètes plutôt que de courts passages répétés.
  • Connaître les zones sensibles : zones de nourrissage, tanières, colonies d'hivernage ou couloirs de migration doivent être évités ou abordés avec extrême précaution.
  • Respecter les réglementations : certaines réserves ou zones sensibles sont fermées l'hiver pour protéger la faune — toujours se renseigner et respecter ces interdictions.

Équipement adapté pour rester discret

Mon sac d'hiver contient quelques éléments indispensables pour limiter la perturbation :

  • Un téléobjectif lumineux (300mm ou 400mm si possible) pour garder la distance sans sacrifier la qualité. J'utilise parfois un 70-200 f/2.8 avec un multiplicateur selon la situation.
  • Un trépied léger et silencieux ou un monopode pour stabiliser sans faire de mouvements brusques.
  • Déclencheurs à distance et systèmes d'observation/action à distance (caméras pièges ou boîtiers détachés) pour photographier sans présence constante sur place.
  • Protection contre l'humidité : housse imperméable pour l'appareil, sachets déshydratants, batteries de rechange au chaud (elles se vident plus vite au froid).
  • Vêtements silencieux : j'évite les tissus qui froissent. Les vêtements techniques de marques comme Patagonia ou Arc’teryx combinent isolation et discrétion.

Approche et comportement sur le terrain

Sur le terrain, la manière dont je me déplace fait toute la différence. Voici les principes que j'applique systématiquement :

  • Rester à distance : la règle d'or. Même si l'animal est curieux, je garde mes distances et je n'essaie pas de réduire l'écart pour obtenir un meilleur cadrage.
  • Se déplacer lentement et sans gestes brusques : les animaux perçoivent les mouvements rapides comme une menace. Je ralentis mon rythme, je respire calmement et j'évite les gestes inutiles.
  • Limiter les allers-retours : chaque passage dans une zone peut déranger plusieurs individus, y compris ceux qui dorment ou se reposent sous la neige ou la végétation.
  • Utiliser les caches et les abris naturels : plutôt que de s'approcher, je m'appuie sur des postes fixes ou des affûts (caches). Mais j'évite d'installer des caches permanents dans des zones sensibles sans autorisation.
  • Éviter de nourrir : la tentation d'attirer un animal avec de la nourriture peut modifier durablement son comportement et lui nuire. Je ne donne jamais à manger.

Gérer le bruit, l'odeur et la lumière

Le bruit est souvent sous-estimé. La neige amortit certains sons mais amplifie d'autres (craquements). Je fais attention à :

  • Porter des semelles adaptées pour réduire le bruit sur la neige et éviter le craquement des branches.
  • Limiter l'utilisation du flash — trop intrusif et désorientant en particulier la nuit. Si j'utilise une source d'éclairage, je privilégie des lumières douces et indirectes.
  • Contrôler mon odeur : j'évite les parfums forts et, si possible, j'utilise des produits sans odeur. Les animaux lèchent souvent les surfaces et ont un odorat très sensible.

Techniques alternatives pour réduire la présence humaine

Les outils technologiques permettent aujourd'hui de limiter la présence physique. J'utilise souvent :

  • Caméras pièges pour capter des comportements nocturnes sans déranger — à condition de les poser avec parcimonie et de signaler leur usage si la réglementation l'exige.
  • Déclencheurs radio ou infra-rouge sur des appareils placés à distance.
  • Longues focales et recadrage pour obtenir des portraits serrés sans pénétrer le territoire de l'animal.

Que faire en cas de rencontre proche ou d'animal blessé

Si je surprends un animal à faible distance, je stoppe, je me détourne lentement et je recule sans courir. Paniquer provoque souvent la fuite. En cas d'animal blessé ou en détresse :

  • Je ne touche pas l'animal à moins d'être formée. Le stress et le contact humain peuvent aggraver la situation.
  • Je contacte les autorités locales, un centre de soin pour la faune ou une association (ex. : réseau d'équipes de secours de la faune sauvage en Suisse). Je note l'emplacement exact et les détails observés.
  • Si je dois marquer l'endroit, je le fais discrètement (photo GPS, points de repère) pour ne pas attirer d'autres visiteurs.

Éthique, communication et collaboration

Au-delà des gestes individuels, j'attache de l'importance à partager une éthique responsable. Quand je publie des images, je :

  • Donne des informations claires sur le comportement à adopter et les erreurs à éviter.
  • Évite de divulguer des coordonnées précises d'aires sensibles (tanières, nids) qui pourraient attirer des curieux.
  • Collabore avec des naturalistes et des associations locales pour m'assurer que mes pratiques sont conformes aux recommandations scientifiques.

Petite checklist pratique

Avant la sortie Vérifier météo, réglementation, équipements, batteries
Sur le terrain Approche lente, distance, silence, pas de nourriture
Équipement Téléobjectif, trépied, déclencheur à distance, vêtements silencieux
En cas d'incident Ne pas manipuler, contacter secours/faune, documenter discrètement

Photographier la faune en hiver est un privilège qui s'accompagne d'une grande responsabilité. J'essaie toujours de me mettre à la place de l'animal : que ressent-il à mon approche ? Ai-je vraiment besoin d'être si près ? En répondant honnêtement à ces questions, je préserve leur silence et leurs rites, tout en continuant à partager des images qui invitent à l'émerveillement plutôt qu'à l'exploitation.

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