Lorsque j'ai commencé à courir en montagne et à organiser des sorties avec mon club de trail, je me suis vite rendu compte que l'énergie collective pouvait être un vrai levier pour la protection de la faune locale — mais aussi une source de frictions si personne n'était informé. Sensibiliser un groupe n'est pas seulement une question d'affichage de règles : c'est un travail de pédagogie, d'exemplarité et de co-construction. Voici comment j'ai procédé avec succès, et comment vous pouvez adapter ces idées à votre club.
Commencer par écouter le club
Avant toute chose, j'ai pris le temps d'écouter. J'ai organisé une réunion informelle après l'entraînement pour demander aux membres ce qu'ils savaient déjà, ce qui les inquiétait et quelles rencontres ils avaient eues avec la faune (positives ou problématiques). Cette étape est essentielle : elle permet de mesurer le niveau de connaissances et d'identifier les idées reçues — par exemple, la croyance que « faire du bruit » suffit toujours à éviter les chocs avec les animaux.
Former un petit groupe de travail
J'ai proposé la création d'un comité « cohabitation » composé de coureurs motivés, d'un guide local et, si possible, d'un naturaliste bénévole d'une association proche. Ce groupe a pour mission de :
- élaborer des recommandations adaptées aux pratiques du club ;
- préparer des supports pédagogiques simples ;
- être le relais pour répondre aux questions des membres.
Ne sous-estimez pas la valeur d'avoir quelqu'un sur le terrain qui connaît les espèces locales et les périodes sensibles (reproduction, hivernage, migration).
Élaborer des règles claires et contextualisées
Un règlement imposé à la va-vite n'est jamais appliqué. Avec le comité, nous avons listé des règles faciles à mémoriser et à adapter selon les zones :
- Horaires : éviter les sorties à l'aube dans les zones de nidification ou de faune sensible au lever du jour ;
- Vitesse et densité : limiter les sorties « groupe dense et rapide » sur certains sentiers ;
- Chiens : garder les chiens en laisse, sauf dans les espaces explicitement autorisés ;
- Signalement : consigner toute observation d'animaux blessés ou de comportements inhabituels via un formulaire central (Google Forms ou un canal Slack/WhatsApp dédié) ;
- Itinéraires alternatifs : planifier des variantes d'itinéraires en période sensible, pour réduire la pression sur les secteurs fragiles.
Communiquer avec des supports concrets
Pour que les règles deviennent habitudes, il faut des rappels réguliers et accessibles. J'ai utilisé :
- un flyer synthétique envoyé avant les sorties et affiché au local du club ;
- des posts réguliers sur le groupe Facebook/Strava avec photos et anecdotes ;
- une mini-infographie expliquant les signaux d'alerte d'un animal stressé (parade d'alerte chez le cerf, fuite d'une harde, vol d'une grive) ;
- des sessions courtes « 15 minutes avant la sortie » où l'on rappelle un point clé (ex. : comment gérer une rencontre avec des chevreuils).
Mettre en place des ateliers et sorties d'observation
La sensibilisation passe par l'expérience. J'organise régulièrement :
- un atelier avec un naturaliste pour apprendre à repérer empreintes, frottis et pelotes de réjection ;
- des sorties « observation silencieuse » où l'objectif est d'écouter et d'apprendre à repérer la faune, pas de faire du chrono ;
- un atelier photo pour apprendre à approcher sans déranger et à utiliser un téléobjectif (par exemple, un 300 mm) plutôt que de s'approcher à tout prix.
Ces moments transforment les coureurs en observateurs attentifs et renforcent l'adhésion aux bonnes pratiques.
Adopter des outils numériques pour informer et cartographier
Nous avons créé une carte collaborative (via Komoot ou Google My Maps) indiquant :
- les zones à éviter selon la saison ;
- les itinéraires conseillés pour limiter les passages répétés sur les mêmes traces ;
- les points d'eau à laisser accessibles sans piétinement excessif.
Le club utilise aussi Strava pour partager les parcours, mais j'encourage à ajouter une note dans la description précisant les règles de cohabitation. Enfin, pour les clubs qui partent en itinérance, l'utilisation d'un PLB ou d'un Garmin inReach garantit la sécurité sans augmenter la pression sur la faune (éviter de rallier des bénévoles non formés en pleine zone sensible).
Gérer la question des chiens
Les chiens peuvent transformer une sortie agréable en cauchemar pour la faune locale. Notre règle : le chien est tenu en laisse sauf sur les zones où c'est explicitement autorisé. Pour faciliter l'acceptation :
- proposer des éducateurs canins en partenariat pour des ateliers « rappel » et apprentissage de la marche en laisse ;
- prévoir des sorties spécifiques « chiens autorisés » sur des itinéraires tolérants ;
- équiper les maîtres d'informations sur l'impact des chiens non tenus (perturbation de la nidification, dispersion des troupeaux, stress).
Collaborer avec les acteurs locaux
Le dialogue avec les agriculteurs, gardes forestiers, associations de protection et offices du tourisme est indispensable. Nous avons invité un garde forestier à une réunion publique : son témoignage sur l'époque de couvaison des oiseaux ou la fermeture temporaire de certains pans de forêt a convaincu plus de gens que n'importe quelle règle écrite.
| Action | Effet attendu |
|---|---|
| Réunion de sensibilisation | Compréhension et adhésion |
| Carte collaborative | Meilleure planification des itinéraires |
| Ateliers naturalistes | Compétences d'observation accrues |
Mesurer et partager les progrès
Pour que la démarche soit dynamique, j'ai mis en place un suivi simple : une fois par saison, le comité regarde les signalements enregistrés et les incidents (rencontres problématiques, animaux blessés) et partage un bilan. Les chiffres ne doivent pas être punitifs mais informatifs : ils permettent d'ajuster les itinéraires et les messages.
Encourager l'engagement personnel
Enfin, ce qui marche le mieux, c'est l'exemplarité. Je me suis engagée à :
- faire des sorties lentes et documentées de temps en temps ;
- partager des photos et récits d'observations respectueuses ;
- valoriser publiquement les membres qui adoptent les bonnes pratiques (petit post sur le groupe, mention dans la newsletter du club).
Ce type de reconnaissance crée une dynamique positive et transforme la contrainte en fierté collective.
Si vous souhaitez, je peux vous envoyer une fiche synthétique prête à imprimer pour votre club (format A4) avec les règles principales et une mini-infographie sur « comment réagir face à un animal sauvage ». Indiquez-moi le niveau de votre club (débutant à élite) et le type d'espèces présentes, et je l'adapte.